L’architecture iconique
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« Si on pouvait avec quelques coups de crayon dessiner la silhouette d’un bâtiment qui serait non seulement reconnaissable du premier coup d’œil mais également représentatif du lieu où il se trouve, nous aurons réussi à lui créer une icône »
Tom WRIGHT
C’est avec cette explication que l’architecte britannique Tom WRIGHT a justifié sa conception de Bordj Al-Arabe la fameuse tour-hôtel sept Etoile, sa plus célèbre réalisation, construite à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis. La définition donnée ici par l’architecte aux bâtiments iconiques découle peut-être d’une perception superficielle de ce type d’édifices, mais elle nous éclaire sur la raison d’être qui leur est propre : donner à un lieu une identité visuelle forte et mémorable à travers l’architecture.
L’engouement de l’humanité envers les bâtiments iconiques n’est pas une chose nouvelle, en effet, ces structures ont commencé à émerger dans toutes les cultures dès que l’Homme a appris à construire et à vivre en communauté, en témoignent par exemple les temples découverts à Gobekli Tepi en Turquie qui datent d’au moins onze mille ans, Stonehenge en Angleterre, ou encore les pyramides Egyptiennes ou Maya. Ces édifices naissaient dans des contextes aux identités claires, distinctes, et facilement traduisibles, d’où découlait leur différences et diversité en termes de formes et de technique de construction. Les égyptiens et les mayas, par exemple, ont tous deux construit des pyramides pour remplir les mêmes fonctions, glorifier rois et dieux, mais il y’a une différence frappante entre les pyramides produites dans les deux contextes en termes de formes, ornementations, matériaux, etc. En résulte le fait que l’on ne peut confondre une pyramide égyptienne pour une pyramide maya, chacune est l’icône de son contexte et de sa civilisation et renvoi aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif de l’humanité, au système politique et religieux, et aux traditions profondes et modes de vies qui l’ont créé.
Aujourd’hui ceci n’est plus le cas, la mondialisation des idées, de la culture, de la technologie, et de l’architecture a fait que partout dans le monde, on commence à construire de la même façon et selon le même modèle. Par conséquent les bâtiments iconiques reflètent de moins en moins l’identité de leurs sociétés, et de plus en plus l’ego de leurs architectes, le résultat est que ces bâtiments sont devenus plus proche à des objets décontextualisés, dont l’objectif principal est de créer le buzz, et servir d’outils de publicité urbaine, pour les villes et les nations qui en ont les moyens.
L’opéra de Sydney en Australie est l’exemple vivant de cela. En effet, il est considéré comme l’un des monuments architecturaux les plus célèbres et les plus visités du XXe siècle, et est aujourd’hui l’emblème d’une ville et d’un pays. A son origine un architecte danois Jørn UTZON qui au moment de sa conception, n’avait jamais mis les pieds en Australie, et qui plus est s’est inspiré des plates formes de l’architecture précolombienne de la Mésoamérique et l’Amérique du sud, un contexte totalement diffèrent de celui du bâtiment. Malgré cela, les jurys étaient catégoriques ; ils ont choisi UTZON et sa conception car “au vu du design du projet, nous sommes convaincus que cet opéra sera une des grandes œuvres architecturales du monde.” Et ils avaient raison, l’opéra a reçu un accueil tellement favorable à Sydney et dans toute l’Australie, par le gouvernement par la population que sept ans seulement après son inauguration, on présentait sa candidature pour son classement dans la liste du patrimoine mondiale de l’Unesco, un statu qu’il ne recevra qu’en 2006 de l’organisation, qui le décrira comme étant une « Sculpture urbaine magnifique ».
Cette histoire démontre qu’aujourd’hui, le rôle de l’architecte n’est plus de produire une architecture qui s’inspire de, et s’insère dans, son contexte, mais d’apporter sa signature de star, des fois au prix du dépouillement du site et de sa signification, mais ce qui est encore plus alarmant, et intéressant, c’est que cela marche.
Cependant, ce constat, et ce climat d’uniformisation architecturale ont légitimisé, pour certaines villes désireuses de garder leurs originalités urbaines et esthétiques, la volonté de puiser dans leurs références historiques, toutefois la perception contemporaine de l’architecture d’antan et des systèmes qui l’ont produit est souvent superficielle et incomplète, par conséquent les tentatives de l’utiliser en tant que référence se soldent généralement par du pastiche.
Il revient donc aux nouvelles générations d’architectes de trouver une solution à cette problématique, si problématique il y’a, car l’uniformisation architecturale est peut-être un signe inévitable, voir bienveillant et normal, de la mondialisation des idées et la généralisation des technologies, seul le temps apportera une réponse à cette question.
Abdellah AFRAD
1- « If you can draw a building with a few sweeps of the pen and everyone recognizes not only the structure but also associates it with a place on earth, you have gone a long towards creating something iconic », Tom WRIGHT (2000), extrait du documentaire superstructure, l’hôtel 7 étoiles, Discovery Chanel.
2- La déclaration du jury Cité dans le site Australie-Australie.
Adresse internet : http://www.australia-australie. com/opera-de-sydney/
3- Site officiel de l’organisation des nations unies pour l’éducation la science et la culture.
Adresse internet : http://whc.unesco.org/fr/list/166