L’architecte et le Starchitecte, quel rôle dans la création des bâtiments iconiques.
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Le rôle normal de l’architecte est de concevoir et de matérialiser les envies de son client dans le cadre d’une société et d’une géographie données. Les projets porteurs d’une importance symbolique ont toujours suscité l’intérêt des architectes, mais ont constamment été accordés à l’élite à cause de leur compétence et de leur savoir-faire, mais aussi, à cause de leurs noms et de leur signature qui est censé apporter gloire et médiatisation à leurs œuvres architecturale. De ce fait, on peut distinguer chez les architectes, deux grandes catégories : les stars, et les autres. Le travail de ces deux catégories n’est pas si différent, mais, les premiers, les stars, sont ceux qui réalisent les grands projets iconiques, publics et privés, et qui participent aux concours internationaux communiqués par la presse. Alors, que les seconds ont des projets de plus faible échelle et un lien plus étroit avec les pouvoirs publics et privés commanditaire, et donc moins de moyens. Comme le note François CHASLIN, critique d’architecture : « L’époque, les revues,
le système médiatique en général et même les architectes les plus modestes (quoi qu’ils prétendent et quel que soit leur exaspération frustrée), s’intéressent principalement à une
maigre cohorte de vedettes, celles qui, pour telle ou telle raison, et chacune à sa manière, ont su focaliser une part nettement identifiable de la réflexion architecturale du moment ».
Ces stars de l’architecture contemporaine, que nous appellerons ici « starchitectes », sont l’équivalent contemporain des architectes de la Renaissance et de l’Antiquité, tel que VITRUVE, PALLADIO ou MICHELANGELO, possédant une notoriété qui les rend des figures emblématiques
de leurs sociétés respectives, et leur donne sur celles-ci un pouvoir, accentué par leur rôle dans l’organisation sociétale, et la création de l’identité construite des villes et des nations. La plupart de leurs projets concerne des opérations urbaines de grande importance, les monuments urbains contemporains, musées, théâtres, bâtiments publics, les sièges des grandes entreprises et quelques maisons de riches qui leur permettent une certaine expérimentation, comme elles le permettaient aux modernes, le Corbusier et compagnie.
Les « autres » se partagent les petits concours publics, et la commande privée de l’élite culturelle ou économique. Ils se battent sur les mêmes terrains que les starchitectes, mais avec moins de pouvoir et de liberté du fait de la commande, parfois avec moins de talent aussi. Ils ont du mal à trouver leur place quand ils ne parviennent pas à devenir des starchitectes, mêmes locaux, alors qu’ils courent quasiment tous derrière ce rêve. Ils sont contraints en fin de compte, soit de se plier aux exigences formelles de la commande, oubliant alors leurs convictions, soit d’imiter les starchitectes, ou du moins l’image de leur architecture.
Cette « starchitecture » est fréquemment rejetée par la population néophyte qui la jugent trop chère et fantaisiste, et pourtant elle est la référence ; et la majorité des autres architectes, en tentant de l’imiter s’éloignent des aspirations populaires qui sont une réalité que l’architecte doit normalement prendre en compte s’il veut accomplir son rôle dans la société. L’œuvre de toute une vie d’architecte, star ou pas, est une œuvre anecdotique au vu de l’immensité de la production architecturale. Cependant, dans ce pastiche formel contemporain, les starchitectes sont enclins à « faire des petits », et à voir leur modèle architectural se rependre par la main d’autres. Un processus qui commence dans les écoles d’architecture, ce que relate Philippe TRETIACK dans son livre Faut-il pendre les architectes ? : « Naturellement, tout étudiant rêve d’être un jour un Le CORBUSIER, un Louis KAHN et, depuis quelques années, un Frank O. GEHRY, un Rem KOOLHASS ou un Toyo ITO. On ne peut reprocher à l’enseignement de donner de l’ambition à ceux qu’il forme ; cette hypertrophie mégalomaniaque a d’excellents aspects : dépassement de soi et lyrisme créatif. Mais le revers de la médaille est aveuglant : mépris de l’opinion publique, incapacité bien souvent à nouer le dialogue et à communiquer, à agir autrement qu’en artiste dégagé de toute obligation sociale, promotion encore de l’architecture-objet, de l’architecture-sculpture ».
Il est donc temps de revoir la formation de l’architecte de façon à réduire le clivage entre lui et la société dans laquelle il est censé produire, sans pour autant bloquer sa créativité ou tomber dans le pastiche.
[i]CHASLIN François, cité dans « L’Architectured’Aujourd’hui», n° 272, décembre,1990. P: 14.
[ii]Philippe TRETIACK, « Faut-il pendre les architectes ? »Seuil, Paris. 2001. P : 94